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Término:  


Les médecins face au clonage humain

POINT DE VUE
(Texte intégral)
par Laurent Degos

Le clonage pour la fabrication de tissus(tejidos) de remplacement(reemplazo) serait un outil(herramienta) précieux, mais il faut mettre des garde-fous(pretiles) au clonage reproductif. 
Les médecins et les biologistes doivent respecter la loi, mais l’histoire nous apprend(enseña) que le médecin convaincu de l’utilité d’un traitement interdit(prohibido) passe souvent outre(ir más allá) les règles et les lois. Nombreux sont les exemples, telle la mise en place(puesta en escena) des traitements par greffe(trasplante) d’organe.

En 1947, la direction de l’Hôpital Peter Bent Brigham de Boston avait répondu négativement à David Hume, qui avait demandé l’autorisation de faire une greffe de rein(riñón) afin de traiter une jeune femme dans le coma. Elle avait une septicémie (des microbes dans le sang) qui avait provoqué une insuffisance rénale. Dans le coma, elle allait mourir. Une nuit, David Hume préleva(extraer) un rein sur une personne morte ; il greffa à la jeune femme le rein, au pli(pliegue, arruga) du coude, raccordant(empalmando) les vaisseaux du rein à ceux de la malade et laissant l’uretère(=urètre, uretra) libre. L’urine se mit à couler, la jeune femme sortit de son coma. Le rein ne fonctionna que quelques jours, mais ce fut suffisant pour passer le cap de l’insuffisance rénale aiguë. La jeune femme guérit(sanó, se curó). D. Hume avait-il eu tort(tuvo la culpa) de ne pas obéir aux ordres de ses supérieurs?

Bon nombre de greffes ont été effectuées ensuite, en prenant le rein à un membre de la famille, sain et volontaire. En ce temps, la loi interdisait pourtant(sin embargo) de mutiler une personne saine. La mutilation n’était acceptée que pour un bénéfice personnel, c’est-à-dire pour traiter une maladie (amputation d’une jambe atteinte de gangrène(gangrena), par exemple). Les lois, et l’encyclique papale condamnaient la mutilation d’un être sain. Cependant(sin embargo), les médecins passèrent outre et multiplièrent les transplantations.

Plus grave aux yeux de la loi est l’acte d’homicide volontaire. En 1963, Guy Alexandre, en Belgique, puis en 1964 Jean Hamburger et bien d’autres ensuite, ont prélevé les reins de personnes dont le cœur battait encore, mais dont le cerveau était irrémédiablement endommagé(dañado, lastimado, vulnerado). Ils avaient considéré que la mort était la mort cérébrale et non la mort cardiaque. Or(ahora), seule la mort cardiaque était reconnue par la loi, et il fallut attendre le 24 avril 1968 pour qu’une circulaire ministérielle parle de mort cérébrale. Pendant cinq ans, médecins et chirurgiens pratiquèrent des «homicides volontaires».

Le médecin ne se considère pas coupable face à(ante) la loi s’il apporte un bénéfice à autrui(prójimo). Il a fait évoluer un concept essentiel, celui de la mort de l’homme. En effet, sans ce changement de définition de la mort, on n’aurait pu effectuer de greffe de cœur ou de foie, car après l’arrêt de la circulation, l’organe meurt. Au Japon, où la mort est toujours définie par l’arrêt du cœur, on ne peut pratiquer de greffe de cœur ni de foie(hígado).

Contrairement aux apparences, nous ne sommes pas très éloignés(alejados) du sujet : doit-on accepter, refuser ou repousser(rechazar) le clonage humain? Le corps médical est-il sur cette question en accord ou en opposition avec la loi? Comment peut-on éviter les dérives(desviaciones) même si, comme pour les greffes, elles auraient des conséquences positives pour la santé humaine?

Le clonage reproductif humain est aujourd’hui condamné. Imaginons qu’un couple, éploré par la mort d’un enfant, demande à ce qu’un clone de ce dernier soit «créé», permettant ainsi de retrouver l’enfant perdu. Dans ce cas, le père et la mère sont bien les porteurs initiaux du patrimoine génétique de l’enfant et la mère porteuse est la mère biologique. Quel mal y aurait-il à une telle pratique?

En réalité, l’acceptation scientifique, juridique et sociale d’un tel projet, dont la finalité serait de consoler les parents de la perte(pérdida) d’un enfant, repose sur une double tromperie(engaño). Tromperie pour la famille, car le clone n’est pas un être-copie conforme de l’enfant original. Tromperie pour l’enfant, créé non pas dans l’amour qu’il mériterait pour lui-même, mais en souvenir de l’amour porté à un autre. Les médecins et les psychologues connaissent des cas où, après la perte d’un enfant, un couple s’empresse(apresura) d’avoir un enfant de «remplacement».

Ce dernier a souvent des difficultés pour trouver sa place, celle qu’il mérite(merece) pour lui-même. Son aspect physique, différent, l’y aide. Un clone hypothétique n’aurait pas cette chance : ayant le même physique, il serait condamné à rester enfermé dans le rôle de remplacement qui lui a été assigné. Dès lors, pourquoi les médecins s’intéresseraient-ils aux clones humains, puisqu’ils condamnent la finalité de reproduire un être humain-copie conforme?


Laurent Degos dirige le Service d’hématologie de l’Hôpital Saint-Louis, à Paris.

Ce texte est extrait du chapitre signé par l’auteur dans Les progrès de la peur, la Peur du progrès, sous la direction de Nayla Farouki, à paraître en février 2001, Éditions Le Pommier.


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